Recruter pour la première fois : la lecture du CV

Outil à double fonction, le CV permet de trier les candidatures et d’en effectuer une évaluation de premier niveau. Conseils pour une lecture efficace et rapide.
Face à vous, trois piles de CV :
- NON, pour les candidatures qui n’ont rien en commun avec ce que vous cherchez – celle d’un cariste pour un poste de commercial ou d’un chef de projet marketing pour un poste de juriste, par exemple –, auxquelles vous envoyez une réponse négative le plus vite possible ;
- OUI, pour celles qui vous conviennent, a priori ;
- NSP, pour celles que, dans le doute, vous laissez en attente.
Avoir une idée dont le marché répond avant une lecture avec prise de décision
Le premier conseil de Marie-Camille Liger-Belair, directrice associée d’Electeam (Groupe Finaxim), est de ne pas vous précipiter sur les premiers CV reçus : « Attendez d’en avoir reçu un certain nombre, pour vous faire une idée de la façon dont le marché répond, lisez-les d’abord sans prise de décision. »
Une fois leur nombre suffisant, au regard du marché pour tel poste, passez à une lecture rationnelle du document. Elle permet de formuler des hypothèses, non d’avoir des certitudes. « Le recrutement étant une matière humaine, non scientifique, soyez conscient que cela comporte une prise de risque », souligne-t-elle.
Le lire au regard de critères de sélection
Les critères de sélection que vous avez établis avant de lancer le recrutement vous aident à effectuer ce premier tri – pour être efficace, la lecture du CV ne doit se faire qu’au regard de ces critères. « On parle de critères objectifs, les plus importants étant en principe le nombre d’années d’expérience, la fourchette de salaire, l’univers de travail (PME, grand groupe, startup, international…), les connaissances techniques indispensables, les langues », explique notre interlocutrice.
Le tri effectué à partir des critères dépend aussi de l’état du marché. La pénurie de candidats vous pousse à les ouvrir, l’abondance, à hausser vos exigences.
Ce qu’on zappe, dans un premier temps, pour éviter une lecture biaisée
L’état civil, la photo, l’adresse… : ne commencez pas à lire le CV par le haut, les informations personnelles du candidat peuvent, malgré vous, influencer votre jugement et fabriquer des réflexes discriminatoires.
Le nom de l’entreprise ou de l’école (sauf si la formation initiale fait partie de vos critères de sélection) créent des réflexes de connivence, voire de sérail : pour y avoir fait vos premiers pas, pour y avoir étudié, vous êtes tenté de porter un jugement de valeur, il ne faut pas.
Mais, car il y a un mais, vous avez lu ces informations en premier, c’est un réflexe naturel quand on recrute pour la première fois. « Il faut donc arriver à vous dire « je suis sensible à cela » mais je vais néanmoins m'en détacher », conseille-t-elle.
Focus sur l’intitulé de poste et les réalisations
« Aller directement à l’intitulé de poste permet d'éviter les préjugés », souligne Cyril Capel, cofondateur de CCLD Recrutement. Il recommande ensuite, pour une lecture rapide et efficace, de se concentrer sur les réalisations des deux derniers postes. Visez les éléments concrets comme les chiffres, les hyperliens qui renvoient à des informations annexes ou à des exemples de réalisation. « Si c’est un CV de jeune diplômé, tenez compte des stages », ajoute-t-il.
Vouloir comprendre au lieu de croire comprendre
Une erreur consiste à réfléchir à la place du candidat, à essayer de retracer son parcours, autrement dit à plaquer sur le candidat votre façon de penser. Cela oriente vos questions futures dans le sens de ce que vous imaginez. Or, face au CV, il s’agit de « vouloir comprendre au lieu de croire comprendre », pointe Cyril Capel.
Le non-écrit a des choses à dire
Il importe aussi d’être attentif à ce qui n’est pas mentionné. Par exemple, un candidat note une mission de manager et choisit d’en parler sous un angle (la taille de l’équipe) plutôt qu’un autre (l’environnement culturel). Il ne s’agit pas de tirer de conclusions mais de vous pousser à « vous interroger sur d’éventuelles appétences ou préférences du candidat, comme des points à creuser en entretien car le CV est une projection du candidat », explique Marie-Camille Liger-Belair.
Ce que la forme raconte
Compact, structuré, concis, tellement détaillé qu’on s’y perd, utilisant des mots précis ou au contraire, vagues… La forme du CV recèle des indices et ce document se prête à plusieurs niveaux de lecture, auxquels vous accordez plus ou moins d’importance selon votre sensibilité personnelle. Lorsque vous êtes à un niveau de lecture moins rationnel comme celui-ci, soyez toujours conscient des pièges que votre subjectivité est prête à vous tendre.
La rapidité de lecture au service du contact direct
Votre regard peut scanner l’essentiel du CV en une minute. C’est un maximum. Non parce que vous n’avez pas que ça à faire et que vous bâclez le travail, mais parce que le CV est utile pour vous donner un aperçu d'une candidature, non pour l'évaluer pleinement – pour cela, vous avez besoin de parler au candidat et de le voir. « Cette rapidité est au service de la création d’un lien direct avec les candidats retenus à ce stade », conclut Cyril Capel.
Sophie Girardeau