Tendance : la transversalité dans les recrutements

Recruter hors des clones, en s’intéressant notamment aux soft skills, est non seulement une réponse à la pénurie de candidats à certains postes mais encore, une adaptation du recrutement au monde actuel.

Pour un poste comprenant de la modélisation financière, une banque a recruté un professeur de mathématiques qui, après avoir enseigné dix ans, avait quitté l’Éducation nationale. « Il fallait quelqu’un de pédagogue et s’assurer de ses capacités à s’adapter », explique Marie-Camille Liger-Belair, directrice associée d’Electeam (Groupe Finaxim). Pour un poste d’analyse de risques de crédits sur des financements structurés, il fallait un profil suffisamment combattif car dans ces financements complexes, il faut tenir bon dans des négociations parfois conflictuelles. « Les candidats clones manquaient d’accroche, nous sommes donc allés chercher un profil issu du front », poursuit notre interlocutrice. Passer du front office au contrôle n’est pas un mouvement naturel à la base, mais le candidat retenu avait les compétences techniques requises… et les soft skills lui permettant de s’adapter à un nouveau contexte. Ces deux exemples de recrutement transverses, ont été possibles parce qu’au départ, on a pu décocher une ou plusieurs cases dans les critères de sélection.

La capacité à penser et agir de façon transverse sont des soft skills attendues

Plusieurs phénomènes poussent à la transversalité dans les recrutements. Tout d’abord, nous évoluons dans un monde de plus en plus transverse qui demande aux candidats de développer leurs soft skills, c’est-à-dire des compétences comportementales et du savoir-être. On le voit déjà dans l’enseignement supérieur où les étudiants d’une même école, basés dans différents campus, travaillent en mode projet. « La capacité à penser et agir en transversal, c’est aussi ce qu’on demande aux candidats », note Marie-Camille Liger-Belair. Ensuite, la transformation digitale recompose le paysage des effectifs, en faisant évoluer certains postes et disparaître d’autres. Cette évolution contribue aussi à l’attention grandissante des recruteurs pour les soft skills des candidats. Puis, la pénurie de candidats dans certains métiers pousse à ouvrir les critères et à plus s’intéresser aux compétences non techniques. Quand on recrute, on doit se demander qui sera compétent à telle fonction et ce n’est pas parce que quelqu’un n’a pas tenu le poste auparavant, qu’il n’en sera pas capable à l’avenir.

Tendance : la transversalité dans les recrutements

Se demander pour tous ses recrutements où est l’intérêt de rester dans un univers clos

« Penser ses recrutements de façon transverse est une réponse à la pénurie de candidats, mais se demander quel est l’intérêt de rester dans un univers clos est une question valable pour tous les recrutements », souligne Marie-Camille Liger-Belair. Ce qu’ont fait les startups, les grands groupes le font à présent avec leur concept de “Lab”, caractérisé par l’ouverture à plusieurs disciplines ; ce qu’on observe au niveau organisationnel peut également toucher le domaine du recrutement.

Encore un exemple : il s’agit de pourvoir un poste en production et analyse de la donnée dans un secteur pointu. Trouver des profils qui ont fait la même chose ailleurs est possible mais le N+1 se demande s’il ne serait pas plus intéressant d’en chercher un qui aurait un œil neuf sur le sujet et qui apporterait de nouvelles méthodes. Penser autrement un recrutement demande de prendre du recul sur la porte d’entrée du poste. Il y a une prise de risque mais aussi le bénéfice d’une expérience autre que celle à laquelle on est habitué. « En pensant de façon transverse un recrutement, on sait et on accepte qu’un candidat n’apporte pas tout », pointe-t-elle.

Voir ce qu’on peut décocher

Il s’agit de décortiquer toutes les compétences attendues — hard skills et soft skills — en décochant la case expérience dans le même poste ou dans le même secteur. « Se demander quel critère est accessoire et lequel est indispensable est une question à se poser pour chaque compétence attendue, un travail conjoint des RH et des opérationnels », poursuit Marie-Camille Liger-Belair. On ne fait plus de l’expérience identique la porte d’entrée du poste et, à partir des compétences, on peut aller chercher dans un secteur ou un métier connexe.

Hard skills et soft skills : savoir reconnaître les compétences attendues chez les candidats non clones

Une fois les compétences attendues mises à plat, il faut savoir les reconnaître chez les candidats non clones. C’est aussi l’affaire de ces derniers que de savoir expliquer en quoi leurs compétences venues d’ailleurs sont celles qu’attend l’entreprise.
« Les entreprises et le candidats sont coresponsables du développement de la transversalité », insiste notre interlocutrice. Les cabinets de recrutement aussi, d’ailleurs, quand ils sont de la partie.

Accepter le temps de l’adaptation et vérifier l’adaptabilité du profil atypique

Pour ouvrir son recrutement à des profils issus d’autres environnements sectoriels ou fonctionnels, il faut être prêt à accueillir quelqu’un qui sera opérationnel moins vite. « L’entreprise doit se demander si elle peut accepter le temps du transfert des compétences et d’adaptation de ce candidat, et vérifier si ce dernier est adaptable », conclut Marie-Camille Liger-Belair.

Sophie Girardeau